TAIPEI, Histoires au coin de la rue, l’envers du décor

Taïpei, c’est la capitale de la République de Chine, aussi appelée Taïwan. Avec 2,705 millions d’habitants, cette capitale politique, culturelle, économique est plus communément appelée Taîwan, du nom de l’île dont elle est la capitale. Taïpei, c’est une destination touristique, la ville aux 12 districts et notamment son mémorial Tchang Kaï-chek. Taïpei, c’est aussi la ville dont on célèbre l’ industrie particulièrement moderne,  surtout en électronique.

Mais ce que révèle TAIPEI, Histoires au coin de la rue, c’est l’envers du décor . Ce livre se présente comme une petite anthologie de nouvelles écrites par huit auteurs reconnus de la scène littéraire taïwanaise contemporaine: Jane Jian, Lin Yao-teh, Lo Yi-chin, Wu Ming-yi, walis Nokan, Chang Wan-k’ang, Chou tan-ying, et Chi Ta-wei. Huit voix qui racontent la ville de Taipei, huit voix interrompues, ou peut-être reliées, par le récit d’escapades dans des restaurants et des étales de marché typiques.

Ces pauses gourmandes narrées par Shu Kuo-chih instaurent à la fois un rythme et une respiration dans cette découverte d’un monde urbain déshumanisé. De fait, seules ces haltes où Shu Kuo-chih nous fait découvrir la soupe de nouilles au boeuf halal, les vermicelles sautées du marché de Lungch’uan, le lait de soja du marché de Huashan, les nouilles de la mère Lui de T’ienmu, les nouilles de Fuzhou, le curry wuyun ou le chocolat artisanal truffe one permettent d’y découvrir l’un des rares liens, si ce n’est le seul possible, entre les habitants, entre le narrateur et la ville, entre toutes ces narrations. C’est autant un fil conducteur dans la vie des citadins que de ténues attaches avec une culture de l’instant.

Hors ces instants de répit soulignés par la typographie, nul arrêt, aucun retour sur soi. Des actions automatiques, un rythme effréné d’activités, beaucoup de violence. Taipei y est présentée comme la ville de l’errance. On s’y s’aventure, on s’y perd, et l’on y meurt pour ne pas vouloir donner son identité. Exclusion, discrimination, nul amour, des échanges furtifs, des sentiments broyés par la dureté des conditions de vie.

L’ouvrage aurait pu paraître disparate, il n’en est rien. Le choix des nouvelles crée une atmosphère singulièrement dense où les écritures saisissent la douloureuse angoisse des jeunes personnages, leurs interrogations et leur fatalisme. De l’humour aussi, un sens de la dérision et au final un cheminement narratif qui permet de découvrir comment, malgré le mal de vivre, surgissent parfois d’étranges mais véritables liens.

TAIPEI, Histoires au coin de la rue, pour découvrir la réalité d’une ville, à l’envers des clichés assenés sur la dynamique des pays émergents, pour saisir aussi le « nouveau naturalisme » taïwanais et des styles de l’instant et de l’angoisse.
Dominique Grimardia

TAIPEI, Histoires au coin de la rue, collection Taiwan Fiction, L’Asiathèque, 240 pages

 

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