Que retenir de « Confession d’un masque » ? de Yukio Mishima

Avec Yukio Mishima on ne sait si il faut, à la lecture de son oeuvre, retenir  que l’existence est si simple ou si complexe.  Or Confession d’un masque  est placé sous le sceau de cette ambivalence:  à la fois récit autobiographique et, en même temps, fiction.

La narration impose des raccourcis, des simplifications, qu’elles soient temporelles ou matérielles. Mais l’importance de ce premier livre est l’annonce de son destin dont Yukio Mishima donnera toujours l’impression qu’il est à la fois totalement maîtrisé, mais aussi que simultanément  il s’impose par delà  sa volonté.

Dans son premier roman autobiographique Yukio Mishima évoque les problématiques de son désir. Un questionnement sur l’hypothèse d’une honte, l’existence et les limites du tabou de ne pas sembler enclin à respecter les normes et les codes. Des normes et des codes qu’il finira pas respecter en se mariant et en ayant deux enfants.

Dans son roman Mishima fantasme sur les tableaux représentant le corps de saint Sébastien, musclé mais transpercé de flèches. Cette attirance pour la souffrance et l’esthétisme sera une constance de son oeuvre. Durant son adolescence, avec ses amis,  peut-il envisager  jalousie, le désir ou les deux ? Face à la norme du désir officiel de la société japonaise et de l’attirance hétérosexuelle. l’ auteur s’évertue à multiplier les rencontres féminines, mais ce n’est qu’ un amour platonique qui s’impose. Et dans son rapport à la vie Yukio Mishima n’a-t’ il pas là aussi un amour platonique?  Confessions d’un masque est une œuvre dérangeante et profondément introspective,  qui questionne les notions de normalité et de désir.

On ne sait si Yukio Mishima s’impose en tant qu’écrivain par  l’obligation où il se trouve d’exprimer une singularité  dont on ignore si la volonté de l’écrivain est paradoxalement d’être à la limite de sa réalité ou de la réalité. Yukio Mishima, de son vrai nom Kimitake Hiraoka, est de fait issu non pas d’une famille de samouraïs, mais d’extraction beaucoup plus modeste .

Elle est en tout cas  à ses yeux insuffisamment flamboyante,  de là à s’investir dans un mouvement paramilitaire, appelé Tatenokai, afin de soutenir la remilitarisation du Japon alors sous tutelle américaine. Avec quatre membres de son organisation il prend en otage, le 25 novembre 1970, un commandant du quartier général de l’armée.

Malgré son harangue devant les soldats présents, ceux-ci sont peu sensibles à ses arguments en faveur d’une nouvelle vision du Japon, et à sa tentative de putsch à fin de renverser le régime qui lui semble trop corrompu. Lorsque Yukio Mishima prend conscience de son échec dans la mission qu’il s’est assignée de restaurer le pouvoir absolu de l’empereur, il se retire dans le bureau du commandant afin de se suicider pour l’empereur selon le rituel samouraï « seppuku » .
https://www.youtube.com/watch?v=nc4HoYs3z4k

Somme toute, on ne sait si Yukio Mishima s’impose en tant que écrivain confronté à une obligation d’exprimer la singularité de sa vie par son oeuvre littéraire, ou si sa volonté d’ écrivain est paradoxalement d’être confrontée à la limite qui sépare réalité et fiction, une confrontation qui l’a mené à la franchir. Par ses écrits, il a recours à la fiction devenue réalité comme lorsqu’il  tourne le court-métrage Yokoku en 1966 dans lequel il met en scène son livre Patriotisme paru en 1961.
https://www.youtube.com/watch?v=BYj3-v5OAfs&t=1044s

Et pour finir avec une pirouette , il peut-être fait un parallèle de  Confession d’un masque  avec le premier roman d’Albert Camus L’Étranger   paru en 1942, et son personnage principal Meursault. D’une certaine manière la même distance avec la réalité, mais là s’arrête la comparaison entre le prix Nobel, mort accidentellement à 46 ans, et Yukio Mishima qui se suicide à l’âge de 45 ans.

Marie Combes

« Confession d’un masque » (Kamen no kokuhaku), de Yukio Mishima, traduit du japonais par Dominique Palmé, Gallimard, « Du monde entier », 240 p., 20 €.