Plus long le chat dans la brume

Plus long le chat dans la brume , Journal d’une monteuse: un livre sur le cinéma, pas vraiment! Un livre d’illustration, pas plus! Un monologue, absolument pas! Un essai alors, pas vraiment. Un livre sur le cinéma, oui et non. Un recueil de poésie… peut être.
Voilà en quelque sorte ce qui caractérise le livre d’Emmanuelle Jay, au titre surprenant  Plus long le chat dans la brume.  C’est ce côté inclassable, qui surprend et charme. Chaque page est une découverte, tout le contenu des textes est lié au cinéma, mais les différences de narration, de style,  d’objets et de personnages en font un tout.
Emmanuelle Jay est en effet monteuse de longs métrages pour le cinéma.  C’est l’occasion de découvrir un métier vraiment exigeant, des compétences et des raisonnements différents au point de construire un livre comme un montage, haletant, surprenant, délicat.

Le fait est que nous connaissons tous les metteurs en scènes, les acteurs et actrices, plus rarement les producteurs, directeurs de la photo, ou cascadeurs, mais jamais les monteurs. Et pourtant le montage d’un long-métrage est généralement la partie la plus longue dans la réalisation d’un film, c’est là le paradoxe. Un minimum de trois à six mois est en effet généralement nécessaire pour le montage, un délai qui va parfois jusqu’à un an, pour passer de la matière brute que sont les rushes (l’ensemble des plans tournés) à un film conforme à l’histoire portée par le metteur en scène.

Le livre d’Emmanuelle Jay nous permet de nous introduire dans le quotidien d’un monteur. Il ne prend pas la forme d’un récit, mais plutôt celle d’une réflexion jalonnée d’analyses, fines et précieuses. La perception est celle d’une réalité fragmentaire à double titre: le format narratif du cinéma d’une part , et la construction d’une réalité tangible d’autre part, à partir de la multitude des plans disponibles.

Le montage est  effectivement un art délicat. Comment rendre intelligibles, justes et cohérentes des heures de rush, pour aboutir à un film dont la durée se situe généralement autour de 100 minutes?

Emmanuel Jay a donc utilisé un procédé narratif particulier, un certain regard, accompagné et renforcé par les dessins de Mathias Maffre, qui apportent à l’ouvrage la composante essentielle du cinéma: l’image. Ces esquisses ponctuées par le thème générique de La monteuse #1, 2, 3 sont une ouverture nouvelle sur ce travail: ils introduisent personnages, animaux, thèmes, et paysages qui fonctionnent comme une pause poétique dans cette série de réflexions, de dialogues tous dirigés sur les multiples facettes de ce métier. Les dessins à l’encre de Chine rythment cette transcription si particulière, et apportent une note d’équilibre dans le déroulement de l’ analyse d’une activité complexe qui conjugue précision, exacte perception de la volonté du réalisateur et expression de la sensibilité du monteur.

Entre pensées, esquisses et page blanche un métier nous est révélé.
Jean Cousin

Les Editions Adespote 16 Euros